Initials B.C.

Les initiales B.C. évoquées ici sont celles de deux dessinateurs qui ont illustré de nombreux jeux au cours du XIXème siècle. Il s'agit de C. Bommier (prénom inconnu) et de Bernard Coudert.

C. Bommier fut le dessinateur attitré de l'éditeur Rousseau pour lequel il aurait réalisé pas moins de 153 planches entre 1850 et 1862 (voir en bas de page)

Coudert Bernard a réalisé un nombre conséquent d'illustrations de jeux, et notamment pour l'éditeur Saussine (257 planches entre 1854 et 1890 au cabinet des estampes de la BNF).

En remarque préliminaire notons que le début d'activité de Léon Saussine (1860) correspond à la fin de celle de Rousseau (vente en 1864 à Vasseur), et que le début de celle de Coudert correspond à la fin de celle de Bommier. Rien ne permet à priori d'envisager une transition entre les duos Bommier-Rousseau et Coudert Saussine, mais les jeux nous réservent parfois d'étonnantes surprises et nous allons voir comment les initiales C B de C Bommier deviendront celles de Coudert Bernard dans un curieux plagiat. 

   Les observations que je veux partager sont consécutives à l'acquisition d'un "jeu du cheval blanc" qui a rejoint la collection en provenance du New Hampshire aux USA. Notons qu'il avait été vendu par un magasin de Barcelone. L'édition du jeu était bilingue (français-espagnol) , mais on notera que la traduction "juego del cavallo blanco" est incorrecte car il fallait "caballo", le "cavallo" étant italien ! Cette erreur sera rectifiée dans des versions ultérieures de Saussine. 

L'illustration de couvercle est signée B.Coudert, le lithographe est H. Jannin. Le nom de l'éditeur n'apparait pas mais nous admettrons qu'il s'agit de Saussine ( ceci résultant de diverses constatations : Saussine a beaucoup travaillé avec Coudert et Jannin, édité plusieurs versions franco-espagnoles de ce jeu, habillage du coffret et cartonnages caractéristiques...)   

Le jeu du cheval blanc est constitué de 5 cartons. Si B.Coudert signe le couvercle de son nom entier, il signe souvent les cartons de jeux de ses seules initiales B.C., toujours dans cet ordre ( ci-dessous en bas à gauche)

 Un carton de ce jeu est réservé à la cloche, sur laquelle l'on trouve souvent des mentions informatives comme l'année de l'édition du jeu, le nom de l'éditeur ou du dessinateur...Examinons maintenant le carton de la cloche dans ce jeu :

   Sur la cloche figurent les initiales CB... les initiales B.C. ne se retrouvent nulle part ailleurs... Curieux non?

A ce stade des observations je dois vous avouer que j'avais acheté ce jeu  dans le but d'offrir un coffret à une série de cartons d'un jeu de cheval blanc de ma collection qui en était dépourvu. J'attribuais cette série à l'éditeur Rousseau pour des similitudes de cartonnages et parce qu'ils étaient signés de Bommier. Voici le carton correspondant à celui de la cloche : 

 Sur cette cloche les initiales CB sont bien celles de C.Bommier, signataire des autres cartons: 

Nul doute nous avons affaire à un plagiat ou à un copié-collé, frauduleux ou non... Ci-dessous nous voyons le passage d'une signature à une autre:

L'on pourrait jouer à chercher les 7 erreurs en comparant nos cartons...Pour celui du cheval blanc ci-dessous l'on remarque le sabre qui a disparu sous le cheval, l'inclinaison de celui du soldat... 

Le thème de deux ou plusieurs personnes qui tiennent le marteau est propre à Bommier (voir les jeux de Rousseau). Dans sa version Coudert n'a pas maintenu les deux cyprès sur la colline : 

Et la cloche cassée n'a plus rien à nous apprendre :

En conclusion ? Le point commun entre Rousseau et Saussine est le lithographe Jannin qui a travaillé successivement pour ces deux éditeurs. Lorsque Saussine a commandé à Coudert la réalisation d'un jeu du cheval blanc celui-ci a pu utiliser les pierres lithographiques qui se trouvaient chez Jannin et il les a redessinées à son profit.... 

  En 1866 sur cet autre jeu de Léon Saussine dessiné par Coudert la cloche porte les initiales B.C. , et l'on peut désormais tout à fait oublier Bommier:

Merci pour votre intérêt, et vos remarques seront les bienvenues.

Bommier : Louis Célestin Bommier est né le 31 août 1818 à Paris Xème et décédé à Orléans le 5 octobre 1876

(renseignements aimablement communiqués par Philippe Bodard)