Quand Watilliaux nous fait "COUCOU"

Publié le par alainkoli

Quand Watilliaux nous fait "COUCOU"

Coucou est un jeu de société édité par Watilliaux, composé de 28 cartes permettant d'amuser  jusqu'à 27 joueurs puisque chacun ne recevra qu'une carte, le surplus formant le talon. Chaque carte porte un numéro de 1 à 28, qui est la valeur de la carte. Après distribution d'une carte à chacun un seul tour sera fait, au cours duquel les joueurs pourront s'ils le désirent échanger leur carte avec leur voisin de droite. Les échanges peuvent être contrariés ou rendus impossibles si le voisin détient l'une des 5 cartes qui ont une vertu spéciale (règle complète en fin d'article).

Gribouille, Calino et le Juif errant du jeu de Coucou

Gribouille, Calino et le Juif errant du jeu de Coucou

Nous allons nous intéresser aux personnages qui illustrent les cartes, car ils constituent une galerie de portraits amusants, dont certains sont un peu oubliés aujourd'hui.

Gribouille dans le "Sermon des Fous" (1548) était un personnage crédule et niais, se jetant dans l'eau par crainte de la pluie. Ne soyez pas "fin comme Gribouille", ne pratiquez pas "une politique de Gribouille" et dessinez joliment. Nous devons à George Sand une " Histoire du veritable Gribouille" (1851) et à la comtesse de Ségur " la soeur de gribouille"(1862).

 "Calino, chargé d'atelier" a amusé par sa niaiserie au Théâtre du Vaudeville en 1856. Il prétendait que l'on peut s'enrichir en perdant un peu sur chaque chose si l'on se rattrapait par la quantité !

 Condamné à marcher pour l'éternité pour n'avoir pas permis au Christ de se reposer devant sa maison Isaac Laquedem erre toujours. Eugène SUE a publié avec succès "Le Juif errant" en feuilleton dans le journal "Le Constitutionnel" en 1844/1845.

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Bertrand (4 points) a pour voisin Robert Macaire qui n'en vaut que 5 mais rapportera plus si quelqu'un se risque à vouloir échanger sa carte : le Robert prendra celle-ci mais la gardera et ne donnera pas la sienne, et il additionnera les points!  Bertrand était un compère de Robert Macaire dans "l'auberge des Adrets" , pièce créèe en 1823. Le personnage de bandit et d'affairiste sans scrupules de Robert Macaire est devenu récurrent au théâtre (puis au cinéma et à la télévision ). Daumier l'a représenté à plusieurs reprises.

Cadet Roussel, héros d'une chanson de 1792 inspirée par les singularités d'un huissier Auxerrois, sur l'air de Jean de Nivelle, a connu une forte popularité  Ah! Ah! Ah! Oui vraiment,  Cadet Rousselle est bon enfant ! 

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    "Monsieur de Crac dans son petit castel " est une comédie de Collin d'Harleville (1791); Type du hâbleur gascon à l'imitation du baron von Münchausen, ses aventures ont été rejouées au théâtre du Chatelet en 1886.  

    La première apparition de la méchante fée Carabosse remonte au XIIIème siècle, et son nom s'attachera ensuite à "la belle au bois dormant".

   Figaro apparaît en 1775 dans le Barbier de Séville de Beaumarchais. En 1826 est créé le journal "Le Figaro", qui est le plus ancien titre de presse encore publié . 

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La Mère Michel a perdu son chat depuis longtemps déjà lorsqu'apparait Gavroche, fils des Thénardier dans "Les Misérables" de Victor Hugo (1862). Quant à Paillasse, le Pagliaccio de la commédia dell'arte, il fait le pitre sur les scènes françaises à la fin du XVIIème siècle avec Gilles et Bobèche...

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L'on parle aujourd'hui encore de tables gigognes ou de poupées gigognes, qui s'emboîtent les unes dans les autres...l'origine en est la Mère Gigogne, personnage du théâtre de marionnettes des Halles apparu en 1602, sous la forme d'une grande femme des jupes de laquelle sortait une multitude d'enfants . 

  Mangin, oublié aujourd'hui, était un camelot de boulevard célèbre à Paris, où il officiait déguisé comme un soldat du Moyen Age. Idole des titis, flanqué de son compère Vert-de-Gris qui l'accompagnait à l'orgue de Barbarie, il vendait ses crayons place de la Bourse et de la Madeleine.

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Cervantès a publié les aventures de Don Quichotte en 1605, et ce livre est devenu le plus traduit au monde après la Bible...

Moins célèbre, Dumanet incarne un soldat ridicule et fanfaron, depuis 1831 où il apparaît dans le vaudeville "la cocarde tricolore". Il sera cité en 1870 dans un poème de Rimbaud et en 1879 Jules Laforgue dira de son caporal Lasticot qu'il est "Fier comme un Dumanet "

ci-contre Dumanet enthousiasmé,  par Emile Cohl en 1882

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                   Mathurin est le nom argotique des matelots et de leur langage (le parler mathurin )... cependant Marin Mathurin POISSON (1770-1834) était...laboureur !.

    Le personnage de Nicolas Chauvin, dont le patriotisme outrancier a donné le nom au chauvinisme, serait de pure fiction. Il sera ridiculisé dans différentes pièces de théâtre, et notamment en compagnie du soldat Dumanet dans "la cocarde tricolore" des frères Cogniard. 

     Monsieur Prud'homme est un personnage créé par Henry Monnier (apparu d'abord en 1830 dans les "scènes populaires dessinées à la plume" puis repris au théâtre et dans des recueils de dessins). Sot, grassouillet, conformiste et sentencieux il caricature le bourgeois français du XIXème siècle. Le terme prud'homme désignant un homme sage , probe et expérimenté , de bon conseil, préexistait à ce bourgeois .      

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    Jacques Bonhomme représente les révoltés de la Grande Jacquerie de 1358; par dérision les nobles désignaient les paysans du nom de jacques...

      Par une occurrence fort ancienne également un "Roger Bontemps" désigne une personne de belle humeur, sans souci.

      Notre Pandore ne descend pas de la première femme humaine de la mythologie grecque, qui ouvrit malgré l'interdiction de Zeus la fameuse boîte qui contenait tous les maux de l'humanité, mais d'un personnage du chansonnier Gustave Nadaud (Pandore ou les deux gendarmes, 1853), modèle de l'obéissance passive. L'argot a repris ce mot de pandore pour désigner les gendarmes . Notre carte n°24 a le privilège  particulier de pouvoir saisir le Robert Macaire s'il lui est présenté en échange.  

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   Nos trois dernières cartes dont les personnages nous sont encore familiers ont avec Robert Macaire et avec le Coucou des facultés pour bloquer les échanges, comme il est détaillé dans la règle du jeu :

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Les cartes de ce jeu de Coucou nous ont permis d'évoquer diverses personnalités issues soit de légendes populaires, soit du théâtre ou de la littérature...Watilliaux, homme cultivé, est peut-être à l'origine du choix des figures de cette galerie. Quant au jeu lui-même c'est un jeu traditionnel appelé aussi "jeu de l'as qui court" ou "hère" ; il peut se jouer avec des jeux classiques de 32 ou 52 cartes selon le nombre de joueurs. Nous n'avons pas recensé d'équivalent de ce jeu chez les autres éditeurs de l'époque de Watilliaux  mais nous avons, édité par A. LION, ce jeu  intitulé  "le tartare moderne, nouveau jeu de l'as qui court"

Quand Watilliaux nous fait "COUCOU"
Quand Watilliaux nous fait "COUCOU"

Ici les 28 cartes vont du juif errant (n°1) à la cigogne, et la plupart des illustrations sont des animaux; selon les résultats du tour d'échanges les joueurs pénètrent plus ou moins dans les cercles de l'enfer (le tartare), et arrivé au dernier le joueur est éliminé; Watilliaux n'a pas repris ce système, est éliminé dans son jeu celui qui n'a plus aucun des jetons fournis au départ.

Quand Watilliaux nous fait "COUCOU"

Je ne sais pas si vous avez tout compris, mais j'arrête ici et je vous dis "Coucou!", à bientôt

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M
Un grand merci pour ce beau travail Pas de trace de ce dessinateur?
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A
hélas non ! peut-être le même que pour le loto des proverbes ?
C
Quelle amusante et instructive galerie de portraits !
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A
merci Christine
F
Un jeu superbe et de belles explications comme d'habitude.
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A
Merci Jean-Jacques